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Marcy, coloriste de Cubitus

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Deux jours avant le Festival de la BD d’Angoulême, BFMTV vous propose de découvrir le parcours d’une figure méconnue du 9e Art. Aujourd’hui Marcy, coloriste de Cubitus, se dévoile.

Depuis la fin des années 1960, elle accompagne Cubitus, ce gros chien blanc doué de paroles inventé par le dessinateur Dupa (1945-2000). Dessinées désormais par Rodrigue, les nouvelles aventures du facétieux cabot sont toujours coloriées par Marcy. Rien n’a changé, sauf ses outils. La coloriste a depuis troqué ses pinceaux pour l’ordinateur. Alors qu’elle achève la mise en couleur d’une nouvelle aventure de Cubitus, elle a accepté de répondre à nos questions.

Quels sont vos premiers souvenirs de BD ?

Mes premiers souvenirs de BD sont, comme pour beaucoup d’enfants, liés aux lectures des aventures de Tintin et du Journal de Spirou. Mais, forcément, ma rencontre avec Dany, à 18 ans, m’a fait découvrir un univers beaucoup plus… diversifié : Astérix, Pilote, Gotlib, (A Suivre), L’Echo des Savanes… Je me suis rendue compte qu’il y avait une autre BD, dite plus adulte. Que la BD est un moyen d’expression d’une diversité, d’une richesse incroyables. Absolument tous les thèmes, tous les genres, tous les styles peuvent y être abordés.

Comment êtes-vous devenue coloriste ?

Un peu par la force des choses. Quand on vit avec un dessinateur de BD, on s’intéresse aux techniques de ce métier et notamment à la mise en couleurs. J’aimais beaucoup la manière dont Dany travaillait la couleur et j’ai eu envie d’essayer. Les coloriages se faisaient surtout à la gouache. C’est une technique assez difficile mais qui offre de multiples possibilités. Trop peut-être pour moi et je n’ai pas trop tenté des dégradés compliqués. Je demandais un coup de main à Dany pour ces « effets spéciaux ».

Comment se déroulait la collaboration avec Dupa ?

Dupa faisait partie du studio Greg, avec Hermann et Dany. Après avoir colorisé lui-même son premier album de Cubitus, il m’a demandé si je ne voulais pas faire les couleurs de ses albums suivants. Là, j’étais ravie mais tout de même un peu inquiète… mais j’ai accepté ! J’ai fait quelques essais et c’était ok pour lui. Et, pendant 30 ans, cela a été une collaboration exceptionnelle. J’ai adoré ce boulot et Dupa s’est toujours montré très satisfait. Il était très encourageant. Un boss idéal, quoi ! Il est mort beaucoup trop tôt bien sûr [le 8 novembre 2000, ndlr], c’était aussi un ami formidable!

Le blanc du pelage de Cubitus est-il celui de la page ou bien celui de la gouache ?

Le blanc du pelage de Cubitus est celui du papier. Mais je suis tout de même payée pour ça aussi !

Vous avez collaboré avec Greg sur Achille Talon. Quelles indications donnait-il ?

Pour Greg, j’ai repris la suite des couleurs que Dany faisait depuis un an au studio Greg. Quand Greg a proposé à Dany la série Olivier Rameau,  j’ai repris seule les couleurs des autres séries et surtout Achille Talon que nous faisions déjà ensemble. Plus tard, quand Greg vivait à Paris puis à New-York, je recevais les bleus de coloriages directement de Dargaud et je faisais le boulot qu’il ne voyait que quand tout était terminé. Il me faisait une totale confiance vu que je connaissais très bien la série Achille Talon et que, de toutes façons, Dany était toujours là pour superviser mon boulot au cas où j’oublierais un détail. Je crois que le premier que j’ai fait toute seule, c’est Ne rêvons pas ! [sorti en 1981, ndlr] J’ai réalisé ainsi plus d’une vingtaine d’albums, jusqu’à la mort de Greg [le 29 octobre 1999, ndlr]. J’ai été un peu déçue que Dargaud ne me propose pas les couleurs lors de la reprise de Talon, surtout avec Serge Carrère, que j’aime beaucoup .

Depuis dix ans vous faites les couleurs sur ordinateur. Comment s’est passée la transition du papier au numérique ?

La transition entre la mise en couleur traditionnelle (gouache) et l’ordinateur ne fut pas évidente. Je trouvais un certain plaisir à faire tous ces mélanges et ces recherches à la gouache et au pinceau. Au début, l’ordi me faisait un peu peur. Mais l’apprentissage a été très facile et je me suis rapidement rendu compte des possibilités illimitées de cet outil fabuleux. Je me permets maintenant de faire des trucs très difficiles, comme des dégradés, des effets d’ombre et de lumière que je ne pouvais pas faire à la gouache, ne possédant pas la technique suffisante. Cela dit, contrairement à ce que certains croient, un coloriage à l’ordi ne va pas beaucoup plus vite qu’à la gouache mais, par contre, vous pouvez changer très facilement de couleurs si ça ne vous plaît pas, même toute l’ambiance d’une page. En deux ou trois clics, le tour est joué. C’est la grande différence.

Avant, à la gouache, il fallait pratiquement recommencer toute la page. Maintenant, à l’ordi, avec les calques et les sauvegardes, on a de multiples versions différentes à notre disposition avec le même boulot. Une erreur, un oubli, tout est réparable très facilement et vous avez une vision de l’ensemble qui est plus lumineuse, plus claire qu’avec un bleu de coloriage. Le fait de pouvoir agrandir très fortement l’image à l’écran permet aussi de soigner tous les détails, même les plus petits. C’est assez passionnant et on apprend sans cesse. Mais, même si l’ordi est un outil extraordinaire, ça reste un outil. Le plus important, c’est la sensibilité qu’on peut apporter à la mise en couleur d’une BD. Harmoniser les couleurs, créer une ambiance chaude, froide, dramatique ou lumineuse, créer de la profondeur de champ avec des plans contrastés successifs, etc… Ça, ça reste le vrai boulot de coloriste, quel que soit l’outil. Et je n’ai pas fini d’apprendre…

Marcy – Exemple de planche coloriée par Marcy
(extrait du prochaine des Nouvelles Aventures de Cubitus)

En dehors des albums, est-ce que vous peignez ?

Depuis quelques temps, mon mari s’est mis à peindre des toiles à l’acrylique et je trouve cela merveilleux, mais je ne m’en sens pas capable.

Parmi les albums sur lesquels vous avez travaillé, quel est votre préféré ?

Peut-être le dernier paru de Cubitus « Spécial super héros américains » [le tome 11 des Nouvelles aventures de Cubitus: Super-héros!, ndlr]. C’était super marrant et je crois que j’ai réussi quelques ambiances dont je suis assez fière. Rodrigue, qui a repris la série de Dupa, s’est merveilleusement bien approprié les personnages et les décors. Il est aussi farfelu et déjanté que l’était Dupa. Avec Erroc au scénario, il forme une équipe formidable. Je m’amuse beaucoup et j’adore travailler avec eux.

Jérôme Lachasse

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